Quelles conditions pour carrière longue ?

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Florent Sarrazin est consultant en matière de retraite et de protection sociale. Dans cet article, il nous présente en détail les modalités de la retraite anticipée pour une longue carrière  : conditions d’accès au régime, bénéficiaires, âges de départ en fonction des trimestres cotisés et de l’année de naissance, évolution du système depuis 2003 et jusqu’à aujourd’hui…

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Retraite anticipée pour une longue carrière : système qui permet, sous certaines conditions, de prendre sa retraite avant l’âge légal du départ.

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Départ anticipé pour les « longues carrières » : un mécanisme contre la réforme actuelle

Le régime de retraite anticipée pour les « longues carrières » est un système qui évolue à contre-courant du système de retraite français .

En effet, depuis plusieurs années, la situation économique et l’évolution démographique conduisent à une « régression » des conditions de retraite dont bénéficient les assurés sociaux :

  • augmentation du âge de la retraite,
  • augmentation du nombre de trimestres d’assurance nécessaires,
  • augmentation des cotisations de vieillesse,
  • gel du montant des pensions…

Qu’il s’agisse de l’État (pension de base) ou des partenaires sociaux (pension complémentaire ARRCO/AGIRC), ils réitèrent tous la nécessité de « réduire les dépenses pour maintenir la viabilité des systèmes de retraite ».

Mais paradoxalement, alors que les mesures « d’austérité » se multiplient, le système de départ anticipé pour les « longues carrières » (qui représente un coût important pour les régimes car il permet de bénéficier avant l’âge légal du versement de sa pension de retraite) est maintenu. Mieux, plusieurs réformes successives ont permis, sinon de l’améliorer, au moins d’élargir le champ des bénéficiaires.

Départ anticipé pour sa « longue carrière » : qui peut en bénéficier ? Dans quelles conditions ?

L’objectif de la retraite anticipée carrières »vise à permettre aux assurés ayant travaillé toute leur vie, et ce dès leur plus jeune âge, de reporter leur date de retraite avant l’âge légal (désormais fixé à 60-62 ans selon la génération).

Pour en bénéficier, un certain nombre de conditions doivent être remplies :

  • Vous avez commencé votre activité professionnelle avant un certain âge

Depuis le 1er novembre 2012 (décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012), l’âge de début d’activité requis pour pouvoir bénéficier d’un départ anticipé pour des « longues carrières » est fixé à 20 ans maximum. Ainsi, le salarié doit justifier, à cet âge, au moins 5 trimestres validés1 auprès de l’assurance vieillesse (4 trimestres s’il est né au cours du dernier trimestre).

1 S’il est effectivement nécessaire de justifier un « début d’activité », les 5 trimestres requis avant l’âge de 16 ou 20 ans peuvent être obtenus pour des périodes de maladie, AT/MP ou pour des périodes de chômage compensé…

Il pourra également bénéficier d’un départ anticipé s’il remplit cette condition de début d’activité avant l’âge de 16 ans. Bien entendu, un salarié qui a commencé son activité avant l’âge de 16 ans pourra prendre sa retraite plus tôt que celui qui a commencé son activité avant l’âge de 20 ans (voir tableau ci-dessous).

  • Ont rassemblé un certain nombre de trimestres contribués à son activité professionnelle au cours de sa carrière

En plus de justifier un certain nombre de trimestres postés au début de son activité, l’assuré doit cumuler un certain nombre de trimestres dits « contributifs » au cours de sa carrière, un nombre qui dépend de sa génération et de son âge au moment de son départ.

Cette période d’assurance « contributive » doit au moins correspondre au nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein (voir tableau ci-dessous).

Afin de faciliter l’accès à ce régime de « longue carrière », le législateur a élargi la notion de quartier « contributif ».

En effet, il est possible d’utiliser un certain nombre de trimestres « réputés avoir contribué » pour calculer la durée d’assurance « cotisée ».

Le nombre de trimestres « réputés avoir cotisé » pouvant être retenus a été augmenté par la réforme des retraites de 2014 (voir décret n° 2014-350 du 19 mars 2014).

À compter du 1er avril 2014, peuvent être pris en compte dans le calcul d’un départ anticipé pour les « longues carrières » :

  • 4 trimestres pour le service national ;
  • 4 trimestres pour une période de chômage compensé  ;
  • 4 trimestres pour une période de maladie ou d’accident du travail
  • tous les trimestres gagnés en rapport avec la maternité ;
  • 2 trimestres pour une période d’invalidité ;
  • chaque trimestre de l’augmentation de la durée de l’assurance acquis dans le cadre du « compte de difficultés personnelles  ».

Deux remarques :

  • Les salariés du secteur privé qui demandent leur retraite anticipée « longue carrière » bénéficient du taux plein pour le calcul de leur pension dans le cadre du régime général. Ils peuvent également demander à bénéficier de leur pension complémentaire AGIRC/ARRCO dans les mêmes conditions, c’est-à-dire sans escompte malgré une liquidation avant l’âge légal des droits d’ouverture.
  • Les « longues carrières » de départ anticipé sont un dispositif qui s’applique à la plupart des régimes de retraite , à savoir :
  • le régime pour les employés du secteur privé (RG),
  • le régime pour les employés agricoles (MSA),
  • le régime pour les commerçants (RSI)
  • le régime des professions libérales
  • ou les régimes des fonctionnaires (SRE et CNRACL).

Les nouvelles dispositions prévues par le décret du 19 mars 2014 leur sont donc applicables en vertu de la mêmes conditions.

ans

ans

Année de naissance Quarters obtenus jeunes Trimestres évalués Âge de départ possible
1952 5 ans avant la fin de l’année civile de 17 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 164 59 ans et 4 mois
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 164 60 ans
1953 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 173 56 ans
169 58 ans et 4 mois
5 ans avant la fin de l’année civile de 17 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 165 59 ans et 8 mois
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 165 60 ans
1954 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 173 56 ans
169 58 ans et 8 mois
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 165 60 ans
1955 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 174 56 ans et 4 mois
170 59 ans
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 166 60
1956 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 174 56 ans et 8 mois
170 59 ans et 4 mois
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés le dernier trimestre 166 60 ans
1957 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 174 57 ans
166 59 ans et 8 mois
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 166 60 ans
1958 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 175 57 ans et 4 mois
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 167 60 ans
1959 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 175 57 ans et 8 mois
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 167 60 ans
1960 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 175 58 ans
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 167 60 ans
1961, 1962, 1963 5 avant la fin du calendrier des 16 ans an, 4 si né au cours du dernier trimestre 176 58 ans
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 168 60 ans
1964, 1965, 1966 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 177 58
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 169 60 ans
1967, 1968, 1969 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 178 58 ans
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 170 60 ans
1970, 1971, 1972 5 avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 179 58 ans
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 171 60 ans
1973 et suivantes 5 ans avant la fin de l’année civile de 16 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 180 58 ans
5 ans avant la fin de l’année civile de 20 ans, 4 s’ils sont nés au cours du dernier trimestre 172 60 ans

Changement significatif dans le profil des bénéficiaires du programme « Long Careers » depuis sa création en 2003

La CNAV a réalisé un certain nombre d’études et de rapports sur l’évolution du régime de retraite anticipée « Long Careers » depuis sa création, afin de déterminer le profil des assurés salariés du secteur privé qui prend sa retraite avant l’âge légal.

De 2003 à 2010 : un système encore limité

Un an après son introduction avec la réforme des retraites de 2003, il apparaît que le régime des « longues carrières » a principalement bénéficié aux hommes, travailleurs, qui ont commencé à travailler avant l’âge de 14 ans.

En effet, à l’époque, on estimait que 86 % des hommes et 14 % la proportion de femmes qui avaient quitté le pays avant l’âge de 60 ans grâce à cette mesure. Logiquement, la part des cadres est sous-représentée, en raison de la nature même du régime pour lequel il est nécessaire d’avoir commencé leur activité professionnelle très jeune (12,5 % des bénéficiaires seulement).

La grande majorité des départs « de longue carrière » ont connu très peu d’interruptions de carrière (près de 90 %). Il convient toutefois de noter qu’un certain nombre de bénéficiaires (20 %) n’ont pu prendre leur retraite qu’en tenant compte des périodes « réputées avoir contribué » (voir ci-dessus) de leur carrière, à savoir le service militaire ou les périodes de maladie.

De 2009 à 2011 : un durcissement des conditions d’accès au départ anticipé « Longues carrières »

La réforme des retraites de 2010, qui a relevé l’âge légal de la retraite de 60 à 62 ans, a nécessairement entraîné une augmentation des conditions de départ anticipé pour des « longues carrières ».

Cela a fortement limité le nombre de demandes de retraite anticipée, à partir de 2009 : une baisse de 80 % a été enregistrée par rapport à 2008 (100 000 départs estimés en 2008, moins de 25 000 en 2009).

Les années suivantes ont montré une « reprise modérée » du nombre de bénéficiaires, pour des raisons fonctionnelles (report des départs d’une année sur l’autre – environ 40 000 en 2010 puis 2011).

De 2011 à 2020 : un appareil utilisé de plus en plus

Deux mesures en particulier ont contribué à l’assouplissement des conditions d’accès aux « longues carrières », ce qui a conduit en 2012 à une augmentation significative du nombre de bénéficiaires du régime (environ 87 000, soit environ 120 % par rapport à 2011) :

  • Le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 a étendu la condition de début d’activité (possibilité d’en bénéficier pour un début d’activité avant l’âge de 20 ans) et étendu le nombre de trimestres pris en compte pour la durée de l’assurance (les périodes de chômage et de congé de maternité peuvent désormais être compté).
  • Décret n° 2014-350 du 19 mars 2014, qui fait suite à la dernière réforme des retraites, et prolonge à nouveau le nombre de trimestres « réputés avoir cotisé » (voir ci-dessus).

Le nombre de bénéficiaires devrait continuer à augmenter au cours des prochaines années. Rien que pour l’année 2013, près de 150 000 personnes ont participé à des « Longues carrières ».

Cette évolution a également permis de rééquilibrer la répartition hommes/femmes des bénéficiaires : d’ici 2030, ils devraient représenter 20 % des départs anticipés (contre seulement 14 % avant la réforme).

La seule ombre sur la table : Pour financer , les cotisations vieillesse sont progressivement augmentées, de l’ordre de 0,5 point de pourcentage (0,25 point de pourcentage part employé/employeur). Le coût a été estimé à 1,1 milliard d’euros en 2013, tous régimes confondus, et à 3 milliards d’euros en 2017.

2020 et après : vers la fin de l’effet d’aubaine ?

À partir des années 2020, le programme « Longues carrières » devrait voir le nombre de bénéficiaires diminuer considérablement.

Il y a deux raisons principales à cela :

  • le nombre de trimestres nécessaires dans une carrière pour prendre sa retraite augmente régulièrement pour les futurs retraités. Ainsi, la réforme des retraites pour 2014 vient d’augmenter d’un quart toutes les 3 générations la période d’assurance requise pour pouvoir payer votre pension au taux plein. Par exemple, alors qu’une personne assurée née en 1955 doit avoir 166 trimestres de carrière, une personne assurée née en 1972 ou après pour obtenir une pension complète.
  • L’entrée sur le marché du travail d’aujourd’hui et de demain est bien plus tardive que pour les générations qui prennent leur retraite aujourd’hui. L’allongement de la durée des études supérieures, la multiplication des périodes de stage ou la difficulté de trouver un premier emploi sont autant de facteurs qui donnent à penser qu’il sera difficile pour les futurs retraités de prendre leur retraite avant l’âge normal.

Il faut également noter que, compte tenu de la santé financière des systèmes de retraite en France, de nouvelles réformes devraient voir le jour dans les années à venir, augmentant les conditions d’ouverture des droits à pension…